OpenAI de nouveau dans la tourmente ?

Data / IA

OpenAI une nouvelle fois dans la tourmente ?

Par Laurent Delattre, publié le 13 mai 2025

Malgré une position dominante sur le marché de l’IA générative, OpenAI fait face à une double tension : redéfinir ses liens avec Microsoft et sécuriser des fonds dans un climat géopolitique tendu pour concrétiser son projet Stargate. Des nuages sombres à l’horizon qui pourraient bien ralentir la croissance et les innovations de la startup.

Décidément le parcours de la jeune pousse star de l’IA est tout sauf un long fleuve tranquille. Il est même des plus chaotiques avec des crises assez étonnantes qui viennent trop régulièrement jalonner son parcours : un CEO viré puis réintégré, des « têtes » qui s’en vont à foison, Elon Musk qui multiplie les poursuites juridiques à son encontre, une roadmap qui ne cesse d’être bouleversée, une levée de fonds sous d’énormes conditions, des plans de conversion en société à but lucratif récemment transformés, … La liste est longue pour une si jeune entreprise.

Pourtant, sur le papier, tout va plutôt bien. ChatGPT continue de monopoliser l’attention du grand public (avec 800 millions d’utilisateurs par semaine), ses API s’imposent dans les stacks des développeurs et OpenAI revendique plus de 2 millions de clients entreprises. Selon l’AI Index du spécialiste fintech Ramp, 32,4 % des sociétés américaines réglaient en abonnement OpenAI en avril, contre 18,9 % en janvier. « OpenAI continue à gagner des clients plus vite que toute autre entreprise IA », résume l’économiste Ara Kharazian de Ramp. Les rivaux peinent à suivre : 8 % des entreprises seulement testent Anthropic et la part de Google AI a pratiquement disparu du radar. Avec 12,7 milliards de dollars de revenus attendus cette année – et près de 30 milliards projetés en 2026 – la dynamique commerciale d’OpenAI semble implacable.

Part des entreprises américaines disposant d’un abonnement payant à un modèle ou une plateforme d’IA

Entre janvier 2023 et avril 2025, l’adoption payante de l’IA par les entreprises américaines a explosé : on passe de moins de 5 % à 40 % des sociétés suivies par Ramp. La courbe « Overall » épouse presque parfaitement celle d’OpenAI ; cela signifie que la firme capte, à elle seule, plus de 80 % de la croissance du marché (32 % d’abonnés sur 40 % au total).

Mais derrière cette façade éclatante, la start‑up doit pourtant résoudre deux équations urgentes.

Des relations de plus en plus tendues avec Microsoft

La première : renégocier son pacte capitalistique avec Microsoft, actionnaire à hauteur de 13 milliards de dollars et fournisseur exclusif de capacité Azure. Comme annoncé la semaine dernière OpenAI veut transformer son entité « capped‑profit » en société à but lucratif d’intérêt public (PBC) et ouvrir la voie à une éventuelle introduction en Bourse tout en gardant au-dessus une structure à but non lucratif.
Mais pour y arriver, son principal obstacle ne semble plus être Elon Musk (cela reste quand même à vérifier dans les prochaines semaines) mais plutôt son partenaire de toujours Microsoft. Car pour concrétiser sa transformation, OpenAI doit obtenir l’accord de Microsoft et renégocier le contrat qui relie actuellement les deux entreprises.
Or selon le Financial Times, cette négociation serait des plus houleuses. D’autant que les relations sont tendues depuis que Sam Altman est retourné chez OpenAI après avoir accepté pendant 24H de prendre la tête de l’IA chez le géant de Redmond. Depuis cet épisode 2023, Microsoft a fini par créer sa propre division « Microsoft IA » et développe ses propres modèles, certains en open source comme les modèles Phi, d’autres derrière des portes blindées comme MAI-1.
Tout le sujet des négociations est de savoir combien d’actions Microsoft recevra de la nouvelle entité à but lucratif.
Redoutant de voir son ancien protégé et partenaire privilégié devenir concurrent direct, Microsoft réclame par ailleurs la garantie d’un accès illimité aux futurs modèles au‑delà de l’échéance 2030 du contrat actuel, quitte à réduire sa part au capital.

Un projet Stargate au point mort

La seconde urgence se nomme Stargate. Annoncé en fanfare par Sam Altman et Masayoshi Son en présence de Donald Trump, le plan prévoyait jusqu’à 500 milliards de dollars pour construire des méga‑datacenters dédiés à l’IA avec un premier investissement de 100 millions de dollars. Trois mois plus tard, SoftBank n’a toujours pas bouclé son schéma de financement ; les banques freinent, échaudées par la volatilité des marchés et par les hausses de droits de douane décidées par l’administration Trump. Selon TD Cowen, le renchérissement des baies, systèmes de refroidissement et puces pourrait alourdir la facture de 5 à 15 %. À cela s’ajoute la crainte d’une surcapacité alors que Microsoft et Amazon ralentissent certains chantiers. Sans infrastructures souveraines, OpenAI restera dépendant d’Azure ; mais sans diversification, les marges fondront sous le coût exponentiel de l’entraînement des modèles.
OpenAI a besoin de concrétiser au moins une partie du projet Stargate. Et comptait sur sa levée de fonds XXL pour y arriver. Sauf que celle-ci est en très grande partie conditionnée à la création d’une structure à but lucratif. Or cette transformation ne va pas prendre le visage imaginé lors des tractations. OpenAI va finalement rester sous la gouvernance d’une structure à but non lucratif, tout en dotant sa branche commerciale d’un statut de Public Benefit Corporation (PBC). Ce qui permet de distribuer des actions mais ne présente pas les avantages que le principal partenaire de la levée de fonds, Softbank, avait imaginé. De quoi remettre en question la levée de fonds XXL annoncée en avril.

En clair, OpenAI avance à vive allure sur l’autoroute de l’adoption, mais deux chicanes stratégiques menacent aujourd’hui de freiner à nouveau son élan : sécuriser un nouvel équilibre avec Microsoft et convaincre les marchés de financer Stargate dans un contexte protectionniste. Pour les DSI et RSSI qui parient sur l’éditeur, il faudra surveiller de près le résultat de ces négociations : elles détermineront à la fois la pérennité des offres, la localisation des données et, in fine, le niveau de risque fournisseur sur lequel repose déjà une part croissante des applications critiques de l’IA.


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